​​Une écrevisse “invasive”

Originaire de Louisiane aux États-Unis, l’écrevisse de Louisiane, à ne pas confondre avec l’écrevisse américaine, autre espèce invasive, fut introduite intentionnellement par l’homme dans les années 1970 en Espagne, en Italie et en France afin de l’élever pour sa chair appréciée.

Malheureusement, comme ce fut le cas pour le ragondin ou d’autres espèces importées d’autres continents, certaines écrevisses se sont échappées des élevages ou ont été relâchées volontairement dans le milieu naturel.

L’écrevisse de Louisiane a aujourd’hui colonisé une grande partie du territoire français. Adepte des zones humides, c’est tout naturellement qu’elle s’est installée dans le Marais Poitevin où elle contribue à la disparition d’une espèce d’écrevisse locale: l’écrevisse à pattes blanches. L’écrevisse de Louisiane porte désormais le statut de “nuisible” dans le Marais Poitevin et dans toute l’Europe.

écrevisse de louisiane adulte en dehors de l'eau

Une guerrière tout terrain

L’écrevisse de Louisiane est reconnaissable à sa couleur gris-rouge allant jusqu’à rouge vif et aux tubercules rouges qui ornent ses pinces et son corps. Adulte, elle mesure entre 10 et 12 cm et peut vivre jusqu’à 6 ans. Elle est dotée de grosses pinces rouges puissantes.

Elle apprécie les eaux calmes et peut s’adapter facilement dans des eaux de moindres qualités voire polluées. Elle est capable, contrairement aux autres écrevisses locales, de résister plusieurs jours à l’absence d’oxygène (jusqu’à 4 jours en dehors de l’eau). Capable de traverser les routes, elle peut ainsi parcourir plusieurs kilomètres pour coloniser de nouveaux territoires.

écrevisse de louisiane en gros plan
On attrape l'écrevisse avec le pouce et l'index juste derrière les grosses pinces

Une capacité de reproduction exceptionnelle

La ponte des oeufs de l’écrevisse de Louisiane a lieu au printemps (avril-mai). Son taux de reproduction est très élevé. Une femelle peut porter de 400 à 600 œufs par ponte et ce plusieurs fois dans l’année. Une fois les œufs éclos, le développement des larves est également très rapide. Les jeunes écrevisses de Louisiane deviennent indépendantes 8 jours seulement après l’éclosion.

Pourquoi l’écrevisse de Louisiane est-elle nuisible ?

La présence de l’écrevisse de Louisiane est préjudiciable au Marais Poitevin pour plusieurs raisons :

  • Elle participe à l’érosion des berges : grâce à ses pinces puissantes, elle creuse facilement des terriers et galeries dans les berges et fragilise ces dernières (jusqu’à trois mètres de profondeur).
  • Elle détruit l’écosystème local : en se nourrissant des amphibiens (têtards, tritons, etc…), les œufs des poissons et provoque également la destruction des plantes aquatiques qui oxygène les cours d’eau.
  • Elle contribue à la disparition de notre écrevisse autochtone : l’écrevisse à pattes blanches. Elle est immunisée et porteuse de la “peste des écrevisses”, un champignon qui touche mortellement de plein fouet les écrevisses à pattes blanches. Par ailleurs, le combat engagé entre ces 2 espèces d’écrevisse est inégal. Les pinces de notre écrevisse à pattes blanches sont trois fois moins puissantes que celles de l’écrevisse de Louisiane. En région Poitou-Charentes par exemple, les populations d’écrevisses à pattes blanches ont chuté de 68 % entre 1978 et 2006.
Écrevisse de Louisiane dans son terrier

Qui peut stopper l’expansion de l’écrevisse de Louisiane ?

Dans le Marais Poitevin, ses nombreux prédateurs ne suffisent pourtant pas à enrayer l’augmentation des populations d’écrevisses de Louisiane. Hérons, loutres et poissons carnassiers (sandres, brochets, black-bass, anguilles et poissons chats) chassent et consomment régulièrement de l’écrevisse de  Louisiane.

On peut ajouter à cette liste de prédateur l’Homme. Armés de balances ou de nasses, la pêche à l’écrevisse est un jeu d’enfant et sa chair est très appréciée

L’avenir de l’écrevisse de Louisiane dans le Marais Poitevin

Depuis 1983, L’État considère l’écrevisse de Louisiane comme une « espèce susceptible de provoquer des déséquilibres biologiques »  (article R-232-3 du Code de l’Environnement). La législation interdit donc l’importation, le transport et la commercialisation à l’état vivant de cette écrevisse (arrêté du 21 juillet 1983).

Néanmoins, quelques règles et gestes écocitoyens peuvent contribuer à limiter son développement :

  • Ne pas introduire d’écrevisse de Louisiane dans les bassins et étangs, chez soi ou ailleurs.
  • Protéger et maintenir une forte population en poissons carnassiers, prédateurs de l’écrevisse (création de parcours de pêche “no kill” dans le Marais Poitevin, respect des périodes d’ouverture de la pêche aux carnassiers et relâcher ses prises de pêche).
écrevisse de louisiane rouge prete à manger

L’œil de l’expert par Gilles Daverdon – Ancien guide de pêche dans le Marais Poitevin

Gilles Daverdon - Guide Moniteur de pêche dans le Marais Poitevin

La 1ère écrevisse américaine a bien été introduite pour élevage dans les années 70 (orconectes Limosus) parce que meilleure reproduction que l’écrevisse à pattes rouges (Astacus Astacus). C’est donc elle, Orconectes Limosus, qui était en concurrence, en s’échappant des élevages, avec notre écrevisse pattes blanches (Austropotamobius Palipes) car porteuse saine de la peste de l’écrevisse et plus résistante que la nôtre aux pollutions de l’eau avec le début des engrais/pesticides chimiques en agriculture et les lessives/produits vaisselle dans les ménages.

La patte blanche a disparu du marais (je n’ai pas de date précise) et à la fin des années 80, quelques louisianes (Procambarus Clarkii) sont apparues… Comme la France a toujours refusé de les importer pour élevage… leur provenance n’a jamais été précisée. En 2003, on prenait peu d’écrevisses et à chaque pêche on prenait 95% d’américaines (Orconectes Limosus) et 5% de louisianes (Procambarus Clarkii). Puis de 2006 à 2009, c’est le pic d’invasion des “louisianes” avec toute l’effervescence pêche qui en a découlé et la disparition apparente des “américaines” de 70.

Depuis, les populations de Louisiane ont bien diminué se cantonnant dans les fossés où elles trouvent encore à manger et où elles ont moins de prédateurs. Quand à la première américaine (Orconectes Limosus), elle est toujours bien présente mais ne vit pas au même endroit que la Louisiane…. à vous de trouver où…

A ce jour, la Louisiane a beaucoup de prédateurs (Homme, loutre, héron, anguille, carpe, poisson-chat… + tout carnassier). La louisiane n’a plus rien à manger et en 3 ans d’invasion (2006-2009) elle a fait disparaître des canaux, en Mouilé comme en Desséché, toute végétation car elle se nourrit à 70% de plantes. D’où disparition de tout support de ponte (régression des batraciens et des poissons) et toutes caches (régression des macro-invertébrés, nourriture des poissons, batraciens et oiseaux). Sa grande capacité d’adaptation lui permettra de ne pas disparaître, elle s’adaptera dans des petits bouts de fossé sans prédateur et avec un peu de nourriture. Il va désormais être extrêmement difficile d’éradiquer totalement cette espèce envahissante.

Je vous invite également à regarder ces deux reportages vidéos filmés dans le Marais Poitevin: